Y a-t-il des Huissiers spécialisés pour les constats sur Internet ?

Le constat sur internet est un acte particulier qui demande une expertise et un savoir-faire indéniables. Afin d’éviter tout risque de voir son constat annulé (ce qui est malheureusement fréquent), il est plus que conseillé, voir obligatoire, de s’adresser à des Huissiers de Justice spécialisées.

L’Huissier doit-il avoir des compétences spécifiques pour faire un constat sur internet ?

Lorsque vous devez faire appel à un Huissier pour faire établir un constat sur internet, il est plus que recommandé de vous renseigner avant et de vous adresser à un Huissier de Justice spécialisé en la matière. En théorie, tous les Huissiers sont en mesure de faire un constat sur internet, en théorie…En pratique, ce n’est pas tout à fait le cas.

Le nombre de constats annulés ces dernières années par les tribunaux démontrent qu’encore beaucoup de constats sur internet sont dressés sans tenir compte des exigences techniques et juridiques imposées par la jurisprudence.

Comment un Huissier peut établir un constat sur internet s’il ne connaît pas le sens des mots « footer », « tracert », « webcash », « url », « wayback machine » ou ce qu’est une empreinte numérique, un adword, un malware… ? De même, comment l’Huissier peut-il conseiller son client sur l’opportunité d’enregistrer le code source, s’il ne sait pas avec précision la multitude d’informations que ce dernier contient ?

L’acte de constat sur internet est un acte très technique qui demande des compétences juridiques certes, mais également un certain nombre de compétences techniques en termes d’administration réseau et de développement informatique.

L’Huissier peut-il utiliser un logiciel pour établir le constat ?

Encore récemment, une cliente, sur les conseils de son avocat, me contacte pour constater 3 ans de publications visibles sur le compte Facebook de son ancienne entreprise. En l’espèce, je devais constater, « capturer », environ 800 commentaires. Elle m’indique qu’un Huissier se proposait de lui faire en moins de 30 minutes et de lui retourner dans l’heure.

Vous l’avez compris, l’Huissier n’allait pas du tout constater les commentaires (impossible en terme de temps), il allait appuyer sur le bouton d’un logiciel qui allait faire le travail à sa place.

Il existe en effet des logiciels de capture d’écran et spécialement dédiés aux Huissiers de Justice afin de dresser les constats sur internet. Pour avoir testé ce type d’outil par curiosité, il faut avouer que c’est très bien fait, c’est simple, le programme fait tout : Il indique faire toutes les préconisations techniques imposées (suppression des cookies, vidage du cache, vérification de l’absence de proxy, etc…), il rédige même le constat selon « les clics » de l’Huissier.

Ces programmes « automate » de capture d’image, d’écran qui facilitent, pour ne pas dire « font le travail » retranscrivent les opérations et les manipulations automatiquement dans un procès-verbal de constat prédéfini.

Ma position est simple : utiliser ce type de logiciels pour dresser un constat sur internet est extrêmement risqué. Je m’explique :

La jurisprudence et la norme AFNOR NF Z67-147 précitée impose que l’Huissier de Justice doit se borner à décrire ce qu’il voit et doit conserver « en permanence la maitrise sur les constatations ».

Or, comment conserver la maitrise si c’est un automate qui fait le constat ? C’est comme affirmer conduire une voiture sans être au volant ! Je ne comprends pas…

De plus, qui a procédé à toutes les opérations techniques nécessaires pour la validité du constat ? Le logiciel ? Et qui certifie que le logiciel a bien fait ce qu’il indique ? Qu’il n’y a pas eu de bug ?

La jurisprudence impose que l’intervention de l’Huissier ne doit pas se borner à des manipulations techniques.

Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 octobre 2006 (Paul Marc H c/ Association Française de Généalogie), les juges sont venus préciser que de simples manipulations techniques s’apparentent à une saisie contrefaçon descriptive.

Le cas était différent, certes, car il s’agissait pour les juges de se prononcer sur un constat d’Huissier qui avait utilisé un protocole « d’aspiration de site » à l’aide du logiciel Quadsucker.

Les logiciels automates « n’aspirent » pas le site mais à mon sens, la problématique juridique est identique.

Pour finir, je me suis rendu compte à plusieurs reprises que l’utilisation de ce type de logiciel n’est pas indiqué dans le constat, c’est totalement invisible, ce qui à mon sens constitue un « faux » et affecte de manière certaine la validité de l’acte.

C’est pourquoi, je pense que les Huissiers utilisant ce type d’outil mettent en danger les intérêts de leur client. Encore une fois, ce n’est que mon avis…Tôt ou tard, un magistrat ou un avocat soulèvera la question et demandera les circonstances et la manière dont le constat qu’on leur soumet a été dressé. La jurisprudence se positionnera alors.

En attendant, soyez donc très attentifs au mode opératoire que va utiliser l’Huissier pour dresser votre constat et renseignez-vous bien car cette pratique est malheureusement très fréquente. Le constat doit être dressé dans « les règles de l’art » et non par une machine….